20 septembre 2008 – « Aime, joue, rie, chante, danse ! »

Voilà la mission que je me suis fixée. Ça paraît simple n’est-ce pas ?

Après deux ans de prépa en lycée militaire, où mon quotidien ressemblait plutôt à « travaille, transpire, tais-toi, encaisse et avance », et bien c’est un sacré changement les amis. Retrouver la simplicité dans les relations avec autrui, faire resurgir des émotions si simples mais que l’on exprime si peu! Vous avez déjà vu des offres d’emplois qui vous demandent de mobiliser tout ça, une école d’ingénieur ou de commerce qui vous apprenne à jouer, rire, chanter et danser ? Mon quotidien épuré, mes possessions minimes et ma capacité limitée à m’exprimer en bengali me forcent à remplir mes journées d’émotions et de moments de partage que sont les rires, les danses, les chants, les jeux.

La première chose qui me frappe, c’est que chacun prend part au jeu, quel que soit son handicap, chacun y a sa place. Une jambe en moins, un fauteuil roulant ou des béquilles ne sont pas synonymes de banc de touche. Je passe mes semaines à Maria Basti et mes dimanches à Jordighi, un centre qui accueille des jeunes garçons handicapés ou très démunis. Tous les dimanches, les garçons viennent frapper à ma porte pour m’inviter à jouer au foot avec eux. Je n’aime pas trop le foot. Bon d’accord, je déteste le foot. J’ai la coordination d’un enfant de deux ans et n’ai qu’une envie, saisir la baballe à pleine main et courir la mettre dans les filets. A grand renfort d’arguments, « come on Didi, you have all your legs and arms, it shouldn’t be that hard ! », me voilà sur le terrain trempé par la pluie.  Après un quart d’heure de jeu effréné, les garçons chuchotent entre eux. « Hum, Didi, do you want to be the referee ? ». Le mieux dans tout ça, c’est que je ne suis pas mauvaise comme arbitre.

 

20 septembre 2008 – « Dans les centres HSP, les enfants handicapés et valides sont mélangés les uns aux autres. C’est dingue la manière dont ils sont intégrés, ils sont là vivants, jouant, avec des handicaps parfois impressionnant. Il n’y a ici aucune peur du handicap. »

En dehors des centres HSP, la vision du handicap est différente. Bien souvent, les gens ne perçoivent absolument pas les handicaps mentaux et les handicaps physiques sont une source d’exclusion voire de persécution. De nombreux événements sont organisés pour changer le regard de la population sur le handicap. Les jeux paralympiques de Jalpaiguri en font partie. Une immense manifestation où toutes les associations locales  s’affrontent à la course, au saut en hauteur, au lancer de poids… Une fête énorme et une immense source de fierté pour les parents dont le handicap de leurs enfants est souvent très difficile à assumer socialement. Maria Basti aura récolté quelques médailles, et surtout des souvenirs de chants, de danses effrénées et de rires partagés.

 

6 décembre 2008 – « Tout va bien. Deux yeux, deux mains, deux pieds, un cerveau qui tourne, une famille, des rêves, des projets… Et je me plains. Ces filles n’ont ni argent, ni famille, pas d’avenir en dehors des centres, des corps tous cassés, et elles donnent tout. Elles rient. Elles rient ! Elles respectent. Elles respectent la vie qui leur a été donnée. »

Inde – 2009 – Un an avec l’association Howrah South Point – Extraits de carnets de voyage