Un village de quatorze habitants lovés dans des maisons éparses, au coeur de celle qu’on appelle « la petite Amazonie ». Une maison de berger, simple, aux murs épais qui ne laissent rentrer ni la chaleur, ni le soleil qui reste coincé dans les rideaux de grosses dentelles. Téléphone éteint, cinq jours.

Les mouches bourdonnent tout autour de moi, profitant de la fraicheur de la maison. Il doit être 10h00. Le vieux berger du bout de la rue à qui j’ai demandé l’heure ne sait plus trop si sa montre donne celle d’hiver ou celle d’été, de cette année ou de la précédente… Il regarde à la dérobée, les yeux comme des billes, mes jambes nues émergeants de mon micro-short. Il dit « putain » en parlant du temps.

 

Mon café refroidit, je déteste ça le café froid. Trois coups de klaxon. Des bribes de discussions. Un camion de ravitaillement. Le vieux berger du bout de la rue achète un pain, je ne résiste pas à un fromage de brebis et à une confiture de cerises noires.

Une cloche sonne. Dans la vallée, un autre clocher lui fait écho, puis un autre, et encore un autre. En tendant l’oreille, on entend leur message, « on tient toujours debout », « nous aussi mon vieux », « pas encore crevé »… Une conversation centenaire entre villages désertés et églises qui ne vibrent plus qu’au son de leurs cloches ébréchées.

 

Ici, se sont les Baronnies. Ici, on s’y cache ou on y survit. René et Jeannot, Olivier et François, cheveux gris, mains robustes et plus très sures, tous le disent :

Ici, y’a plus personne.

Les baronnies des Pyrénées – 10 000 habitants en 1956, 2000 en 2010