Bolek, il a une gueule de dingue. Le genre de gueule dont je raffole, des traits profonds, des yeux perçants, un air de « viens pas trop me faire chier ». Une belle gueule quoi.

Il tient un petit kiosque à livres dans le 10ème arrondissement de Paris, aux pieds de l’église Saint-Vincent-de-Paul. Un tout petit kiosque rempli à ras bord de bouquins en tous genres.  Bolek, libraire de rue, est une star dans le quartier et bien au-delà. Mais ça, je ne le sais pas encore. Notre première rencontre, je m’en rappelle très bien. Il lui a fallu trois secondes, un faible « bonjour » et mon fameux sourire niais voué à détendre les plus costauds.

En trois secondes me suis retrouvée tournoyant dans les airs, serrée par de gros bras vigoureux, dans un flot de mots fortement houblonnés et teintés d’un bel accent. J’ai cru que j’allais finir broyée. C’est un habitant du quartier qui m’a délivrée de son étreinte. Je n’ai pas demandé mon reste et il m’a fallu un peu de temps avant de me frotter de nouveau au bonhomme.

Bolek a une histoire fascinante que je ne vais pas vous raconter ici. Il n’a pas besoin de moi pour ça. Ce personnage haut en couleur et en humeurs a été interviewé, photographié, alpagué, ausculté des milliers de fois. Il est même le sujet d’un joli livre publié en 2009. Bon. Mais ça je le sais pas encore.

Deuxième essai. Même sourire stupide, appareil photo ringard sous le bras, moins de houblon dans l’air. Je veux le faire participer à mon petit projet photo hyper niais, déclinaisons d’amour. Donc j’arrive avec ma question toute bête, toute simple, mon unique question, « c’est quoi l’amour ? ». Et il me répond ça.

– La complicité.
– La complicité ?
– Bah oui, la complicité. Quand vous faites l’amour y a pas de complicité ? Oulala encore une intellectuelle décadente ! Allez, les autres questions.
– Hum, c’est tout, c’était ça ma question…
– Quoi? C’est ça, c’est tout ? Tout ça pour ça !

Il est outré, pour ne pas dire franchement énervé. Je n’ai qu’une question. En plus il la trouve nulle. Et oui, Bolek c’est une star. Et quand il vous accorde une interview, vous avez intérêt à être à la hauteur! Maintenant je sais.

 

Bolek – « Libraire de rue, camelot, peintre ». Un très grand coeur et toujours un sourire pour la pire « journaliste » avec qui il ait eu affaire.