Il pleut. De grosses gouttes frappent aux carreaux du Dooey hostel depuis maintenant des heures. La mer est déchainée. Calée sur un tabouret de cuisine, mon carnet ouvert, je mâchouille un vieux stylo.

Un coup de vent fait claquer la vieille porte battante de la cuisine du Dooey Hostel. Je sursaute, manque de m’étaler sur le carrelage humide et en avale presque mon stylo. Mad Mary me regarde amusée, sceau de tourbe dans une main, cigarette dans l’autre.

Are you ok my dear? You want a coffee? It’s so fucking cold in here. Come with me my dear. Bloody weather.

Mad Mary

Mad Mary, 78 ans, jure comme une charretière. Une charretière avec un accent irlandais aussi épais que le brouillard qui nous entoure à présent. Elle nourrit le gros poêle aussi vieux qu’elle, me sert une tasse de café infect, rehaussé d’une goutte de Baileys, et m’ordonne de m’asseoir par là bas, près de la fenêtre, d’où l’on surplombe une mer complètement folle.  J’obéis sans moufter et me laisse envahir par l’atmosphère douceâtre de la chambre de Mad Mary.

Mad Mary

Ce petit bout femme aux mains d’homme est un roc. Elle habite seule le Dooey Hostel construit dans la roche, qui ne répond à aucune norme sanitaire ni à aucune règle architecturale sensée. La porte en est toujours ouverte.

Mad Mary, puisque c’est ainsi que les gens du village l’appellent, est veuve, a connu la guerre, a connu la faim, a revêtu l’uniforme informe d’une prison quelconque et porte en elle toute le souffrance d’une génération.

“ Every year I hope it’s gonna be better than the year before. But it’s always worse. It doesn’t fucking get better.”

Marie n.p, « De l’hébreu, la goutte de la mer »